Où étaient les Ukrainiens le 6 juin 1944 ?

Le colonel Pierre-Louis Bourgoin

Le 80e anniversaire du débarquement et de la bataille de Normandie a été commémoré ce 6 juin 2024, plus particulièrement sur la plage d’Omaha Beach à Saint-Laurent-sur-Mer en présence du président auto-prolongé d’Ukraine.

La veille, une cérémonie a eu lieu à Plumelec, dans le Morbihan, pour rendre hommage aux premiers soldats français, volontaires des SAS (Special Air Service), parachutés pour fixer les Allemands et encadrer le maquis de Saint-Marcel, fort de 2.500 hommes.

Bref rappel de faits historiques :
Entraînés en Angleterre par le lieutenant David Stirling, 500 paras français sont commandés par le colonel Pierre-Louis Bourgoin, un pied-noir natif de Cherchell, patron du 4e Bataillon d’Infanterie de l’Air, renommé en 1944 2ème régiment de chasseurs parachutistes.

Une première vague de 200 paras est larguée sur Saint-Marcel dans la nuit du 5 au 6 juin, qui sont rejoints le lendemain par le reste du régiment et son colonel, surnommé « le manchot ». Mitraillé par un avion allemand en Tunisie, souffrant de multiples blessures, il avait été amputé du bras droit. Ce personnage de roman a été immortalisé par Henri Nassiet dans le film d’Alexandre Esway « Le bataillon du ciel », tiré du livre de Joseph Kessel relatant les faits d’armes et l’héroïsme de ces jeunes patriotes français.

Parmi eux, les lieutenants Pierre et Michel de Camaret, ce dernier nommé compagnon de la Libération, qui seront en octobre 1972, parmi les cofondateurs du Front National.
Le caporal Emile Bouétard fait partie du premier stick parachuté dans la soirée du 5 juin. A l’atterrissage, son parachute s’accroche aux branches d’un arbre. Il est blessé, tente de se dégager, mais il est découvert et tué par un SS ukrainien, membre de l’Ost Legion qui a encerclé les paras commandés par le lieutenant Marienne.
Très actif dans ce secteur, le 261ème escadron de cavalerie ukrainien est engagé en Bretagne auprès des forces allemandes pour faire la chasse aux résistants, notamment ceux du maquis de Saint Marcel qui ont accompli l’un des plus hauts faits d’armes de la Résistance.

Des massacres sont commis par le 261ème escadron de cavalerie ukrainien et le 708e bataillon d’infanterie géorgien. Des assassinats et déportation de civils sont perpétrés par les Ukrainiens et les Géorgiens. Les châteaux de Sainte-Geneviève et des Harys-Béhélec, puis les fermes et le bourg de Saint-Marcel le 27 juin 1944 sont totalement incendiés par les hommes de ces deux unités.
Effrayés par les atrocités commises par leurs concitoyens, une poignée d’Ukrainiens ont déserté et rejoint la Résistance.

Le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie, des ukrainiens sont dans les casemates allemandes et mitraillent les soldats alliés qui débarquent des LST (landing ship tank) parmi lesquels se trouvent d’autres ukrainiens de nationalité canadienne. D’ailleurs, au cimetière militaire canadien de Cintheaux (Calvados) sont inhumés 84 soldats canadiens d’origine ukrainienne tombés en juin 1944.
Crée en Russie en novembre 1943, l’Ostbataillon 634 a été transféré en Bretagne début 44 à Landernau. Composé d’ukrainiens, l’Ostbataillon 634 s’installe dans le KVGr. de Quimper/Clohars.

Dans la 10ème division SS « Frundberg » ils sont 1.000 sous les ordres du général Harmel, de retour en France en juillet 1944 pour s’opposer aux forces alliées qui viennent de débarquer en Normandie. Cette division ukrainienne est repoussée par les américains à Barenton, effectue une contre-attaque avec ses derniers chars, permettant son retrait. Dans la nuit du 17 août 1944, la division arrive sur le secteur de Putanges, à environ 18 km à l’ouest d’Argentan. La nuit suivante, elle marche sur Villedieu-lès-Bailleul, à 3 kilomètres environ au sud-ouest de Trun. Après le 19 août 1944, la Poche de Falaise se referme sur la division. La poche devient une véritable fournaise, un « chaudron » dont peu sortiront indemnes.

A noter au passage la présence d’une importante colonie ukrainienne en Normandie installée dans les années 1920-30 en même temps que les polonais et les russes fuyant le communisme. Bon nombre d’entre eux travaillaient alors dans les mines ou la sidérurgie de la région de Caen.

Mais c’est sur le front de l’Est que les unités ukrainiennes de l’armée allemandes font le plus parler d’elles.
Dans les rangs de l’Armée allemande, il y a des représentants des différents peuples de l’URSS, des collaborateurs ukrainiens (certainement les plus nombreux) et, à partir des effectifs de Kiev et de Bucovine sont formés des bataillons de la police de sûreté ukrainienne Schutzmannschaft, dite « Chouma », sous les numéros 109, 114, 115, 116, 117, et 118. Leur rôle principal est la lutte contre les partisans soviétiques.

Le 201e bataillon Schutzmannschaft est créé en octobre 1941, spécialement pour la lutte armée contre les partisans biélorusses et l’extermination des Juifs. Il est commandé par le major Eugène Pobihus (polonais). À la mi-mars 1942, le bataillon est transféré en Biélorussie, sous le nom de Sous-division de la 201e division de police, qui, avec d’autres brigades et bataillons, est en activité sous le commandement de l’Obergruppenführer SS Erich von dem Bach-Zelewski. Ils prennent part à l’extermination de civils soviétiques, à Zolotchiv, Ternopil, Sataniv, Vinnytsia, et dans d’autres villes et villages, en Ukraine et en Biélorussie.
La police du district de Raïon de Ratne, sous la direction de Logvinski et Seniok, ensemble avec le 15e Schutzbataillon du régiment de police détruit le 23 septembre 1942, le village de Kortelisse. Le village est entièrement incendié et 2 892 habitants (dont 1 620 enfants) sont fusillés. Les villages voisins de Birk, Sabaloty, Borisovka sont également détruits.

Le 50e bataillon ukrainien de sûreté prend part, en février-mars 1943, à des opérations sur le territoire biélorusse, contre les partisans. Durant cette opération, 158 localités sont mises à sac et incendiées avec leurs habitants, dont : Ambrase, Aiko, Boula, Jernosek, Kaliout, Konstantin, Paporot, Sokolov.
La police ukrainienne du Reichskommissariat Ukraine participe plus d’une fois à ces actions punitives, telles que la liquidation du ghetto de Rivne (Rovno), les fusillades du Massacre de Babi Yar, etc…

Les bataillons ukrainiens prennent également part à la surveillance de ghettos et de 150 camps, créés dans l’Ukraine occupée, ainsi qu’à la déportation des Juifs du ghetto de Varsovie, en juillet 1942. À Doubno, le 5 octobre 1942, les policiers ukrainiens fusillent 5 000 Juifs. La police ukrainienne prend part à la liquidation de la population juive de Tchoudniv (500 personnes), le 16 octobre 1941. À Radomychl et à Bila Tserkva, les policiers ukrainiens tuent des enfants juifs.

Rien que dans le district de Galicie, on comptait, parmi les policiers ukrainiens, environ 20 000 volontaires. À Lviv, où les ukrainiens ne représentent qu’environ 15 % de la population, les cadres de la police locale ne sont que des Ukrainiens. Le nombre total des bataillons de sûreté se chiffre à 35 000 hommes.

À la fin septembre 1944, une nouvelle division est formée afin de réprimer l’insurrection slovaque ; vers la mi-octobre, elle voit ses effectifs se reformer, au complet, pour pouvoir agir en Slovaquie.
En octobre 1944, la 14e division de grenadiers SS Galicie (première division ukrainienne) reçoit le nom de « Division SS Galicie », après la liquidation de l’insurrection slovaque. Elle est formée d’Ukrainiens de Galicie au même titre que la 13e division de montagne de la Waffen SS Handschar, composée de musulmans.

En janvier 1945, la division est déplacée à la frontière austro-slovaque où se déroule la lutte contre les partisans yougoslaves. À la mi-mars, la division est désarmée et doit livrer ses armes aux Allemands, mais la rapide progression de l’Armée rouge la contraint finalement à avancer vers le front où elle entre en action avec le premier régiment de cavalerie allemand.

Ensuite, jusqu’à la capitulation allemande, elle se trouve sous les ordres du 4e corps blindé SS. Aux derniers jours d’avril 1945, la division est nommée 1ère division de l’Armée nationale ukrainienne et porte toujours son nom de Division SS Galicie. Durant la période du 8 au 11 mai 1945, une partie des membres de la division se rend aux Américains et aux Britanniques.

Jean-Yves Leandri

(source : archives Le Figaro, Régis Le Sommier)

Source : RIPOSTE LAÏQUE – Où étaient les Ukrainiens le 6 juin 1944 ?

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