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« Le changement, c’est maintenant ! ». Au printemps 2012, une partie des Français avait sincèrement cru à cette volupté rhétorique. Une autre, plus hésitante mais épuisée par la tourbillonnante présidence Sarkozy avait observé l’air sceptique l’envol d’un aigle qu’on avait toujours pris pour un merle moqueur. Or, la première élévation avait été électrique, déchaînant la foudre dans un ciel menaçant, tandis que le nouvel Empereur des Français se rendait à Berlin. Et chacun s’était demandé ce qu’en eussent conclu les antiques oracles en leur temps. Présage d’un premier renoncement ? Assurément, car il n’y avait pas eu de renégociation du traité européen. Exit, tous les espoirs espagnols, grecs, italiens, portugais dont les chefs de gouvernements avaient secrètement souhaité unir leurs forces à une France insoumise pour fléchir la politique austéritaire d’une Diane chasseresse au costume décidément trop vert de gris. Est-ce à dire qu’à peine né, le rêve s’était enfui ?
Quatre années plus tard, le mensonge originel s’avérera-t-il un péché mortel ? Dans douze mois, son auteur recevra-t-il la peine capitale accompagnant parfois, les blasphèmes impardonnables ? Ou l’aigle peut-il encore caresser l’espérance d’un retour de popularité dans le cœur de la Gauche ; ce pauvre peuple sans dents qu’abandonne lentement avec la rage de mordre, le génie des idées progressistes ? La profondeur des rancœurs est toujours à la mesure des illusions ou des déserts qu’on fait naître en un homme.
Pourtant, tout avait si bien commencé. L’aigle avait conquis les deux chambres, la jeunesse, les Fonctionnaires, les agacés de la Sarkozie au bord de la crise de nerfs. Beaucoup s’étaient plu à croire au prêche d’un crieur dessinant la vision d’une Europe plus sociale et furieusement humaine. Pourtant, d’où que viennent les chants d’exhortation au changement, au tournant, au renouveau, à la France apaisée, à l’action, à la marche, ne savons-nous pas qu’un tel bonheur coûte peu à la parole de ces beaux oiseaux de feu. Sitôt parvenus au sommet, que l’ambition de ces volatiles s’épuise dans la contemplation de leur propre félicité. Et quoiqu’il eût promis « de transmettre dès après son élection une proposition de renégociation du Traité de stabilité européen », François avait trahi. Lui aussi. Tout n’était donc que vertige, perfidie, stratégie. Or, il faut savoir quitter les univers féériques sans bruit, mais non sans amertume. Tout se paie ici-bas, à commencer par les promesses bafouées.
Alors, que dire de ce nouvel empereur, si à la place de marcher dans l’ombre d’un modèle illustre et conquérant, celui-ci se révélait n’être à l’usage qu’un vulgaire « Nabot-Léon » ? Quelle mauvaise pièce avait-on joué là aux Français ? Quel sombre génie avait-il œuvré à ce que tant de belles déclamations eussent abouti au morne spectacle d’un homme insignifiant, réclamant la seule grandeur de la normalité ? Pourvu que l’homme eût été habile à la conduite des affaires de l’État, constant dans ses convictions, hautain, solaire ou excellemment zélé dans le raffinement de la fourberie, il eut été encensé. Mais, que n’a-t-on épargné aux Français la comédie humaine des grandes tragédies ? Que s’est-on convaincu sur le parthénon élyséen de l’urgence d’une loi sociétale en faveur du mariage pour tous, lorsqu’il eût été éminemment souhaitable de s’occuper de cette jeunesse désœuvrée des quartiers écartelée entre Islam politique, associations oiseuses voire dangereuses, mais utiles au câlinage du vote communautaire ? Car, qui est assez dupe pour croire que ces fléaux fussent nés avec les attentats de nos comiques géniaux nationaux ? Alors, puisque la tragédie contemporaine se jouerait en cinq actes, le fatum s’accomplirait, inexorable et funeste. Quatre années d’errances, de démissions, de revirements, de renoncements, de communications boursoufflées, intempestives, contradictoires à défaut d’un cap clair, mûri, victorieux. La gloire et l’éloge attendraient. Le Président élu ne serait pas ce vir incomparabilis. À la place, celui-ci partirait en vacances, comme les Français les mieux nantis. La France était un État en faillite, c’était entendu. Mais était-ce sa faute à lui, encore vierge de tout crime ? Or, l’affreux ne l’était déjà plus. Coupable. Trois fois coupable. La renégociation du Traité n’avait pas eu lieu. Toutefois, il est toujours assez commode lors des premiers cent jours de s’empresser de couronner du joli bicorne du désastre un prédécesseur n’ayant pas laissé l’impérissable sentiment d’incarner la figure du phenix doctorum. Et puis, n’avait-il pas un droit souverain à s’accouder au camion-bar de la plage de Cabasson ? Pourquoi eût-on refusé à notre héros farceur le privilège de céder à son naturel talent pour amuser les foules ? Avant le départ, juste avant qu’on eût eu fini de coincer le seau, la pelle et le râteau dans le coffre de la DS présidentielle, le sage n’avait-il pas pris le soin de réduire la rémunération du chef de l’État et des membres du gouvernement de 30% ; décret venant contraster avec la rumeur têtue d’une augmentation de 172% du traitement du Président de la République décidée par Nicolas Sarkozy en 2007 ? Et en faveur des Français, n’avait-il pas procédé à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire 2012 de 25% ? N’avait-il pas décidé le blocage du prix des carburants pendant 3 mois ?
Alors quoi ! Crie le fripon. Qu’on me laisse jouir de ma citadelle de Brégançon en paix ! Depuis mon rocher, le visage face aux vents alizés, je contemple les immensités marines moutonnantes et iodées. L’inspiration viendra. Je m’y engage ! Déjà, n’ai-je pas prononcé l’arrêt de la révision générale des politiques publiques, laquelle prévoyait notamment le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ? Le redressement du pays dans la justice et la priorité accordée aux Jeunes guideront mon action. C’est promis. Mais de grâce, laissez-moi chercher mes idées au soleil ! Ah ? La feuille de route n’était-elle donc pas tracée ? N’était-elle pas celle qui avait inspiré les 60 engagements de campagne ? Or, de quoi s’étonnait-on soudain ? En matière politicienne, promettez, promettez ! Puis laissez le réel s’en mêler. C’est ainsi qu’on échappe aux rédhibitoires condamnations !
Le premier été était donc passé, comme une caresse grisante et délicieusement volubile. À la rentrée, les Français seraient en colère. Tant pis ! Il faudrait bien leur peindre un tableau des déficits publics plus sombre qu’escompté. Tout le désordre n’en reviendrait-il pas entièrement à Sarko ? Le changement débuterait donc par le tournant de la rigueur. Dès la fin du mois de septembre 2012, le projet de loi de finances 2013 avait fixé un redressement historique des comptes publics. Or, à la place du programme promis, lequel eut taxé les plus riches au bénéfice des classes moyennes et des moins fortunées, il s’était agi d’un impôt que 9 Français sur 10 finiraient par payer entre 2012 et 2014…
Toutefois, le projet de l’article n’étant pas d’écrire l’incipit d’un ouvrage relatant la généalogie d’un mensonge, venons-en au pire de ce qu’un homme se voulant ordinaire peut produire d’étonnant, d’irresponsable, de choquant et d’aisément contournable. Ce sera donc la chronique du journal d’un fou ordinaire. Nous pourrions tout aussi bien pu l’intituler « De l’origine du mépris collectif ». Ou encore, « Ce que la postérité concède au médiocre ».
Folie d’un homme liant dès le 9 septembre 2012 son destin à celui de l’inversion de la courbe du chômage, prévue à la fin 2013.
Folie d’un homme réitérant cet engagement les 3 et 21 décembre, repoussant discrètement l’échéance de 3 mois.
Folie d’un homme se débattant dans l’incohérence d’une croyance mortifère. Les mois suivants, une somme de déclarations contradictoires avaient fini d’installer le doute impérieux dans l’esprit des Français. « L’année 2013, si nous arrivons à accélérer la reprise, cet objectif peut être atteint », avait déclaré le Président en février. « C’est un engagement que j’ai pris. Ce n’est pas une parole que j’ai prononcée en l’air ».
Folie d’un homme s’acharnant contre la douleur d’un réel entêté. « L’inversion de la courbe du chômage, c’est une volonté, c’est une stratégie, c’est une cohérence ».
Or, un an jour pour jour après la promesse originelle, la courbe du chômage n’avait pas été inversée, pas plus qu’au mois de décembre de cette année-là ni qu’hier, tandis que le Président faisait face à 4 Français sélectionnés avec soin par France 2 ; chaîne publique dont on ne sait décider si les pressions qu’elle a subies de l’Élysée laisseront des cicatrices sur une impertinente Léa Salamé et un obséquieux David Pujadas, résolument plus fade. Or, si les Français consentent à s’acquitter d’une redevance audiovisuelle, c’est avant tout pour que l’irrévérence à la française vive et puisse s’exercer. Que l’on cesse de perpétuer la nostalgie de l’héritage mitterrandien ! La tyrannie de la bien-pensance ne séduit plus l’audimat, lequel préfère aller fleurir le verbe sur les réseaux sociaux et autres places de la République française. Toutefois, demander à un Président si sa remarque est une plaisanterie doit demeurer, au-delà d’un manque d’éducation, une faute de goût définitive.
Et puis d’abord, qu’était cette étrange mascarade ? Que vaut l’exercice suicidaire d’un bilan calamiteux dressé face à une courbe du chômage en pleine floraison ? Le risque du désintérêt n’était-il pas prévisible ? Au procès d’un refus de prolongation du CDD présidentiel au motif d’absence de résultats, fallait-il ajouter celui du discrédit public ? Face au cadeau fiscal de 41 milliards d’euros accordés aux entreprises sans les subordonner à des contreparties d’embauches, était-il judicieux d’opposer la voix d’une jeunesse qui se sentait trahie ? Face aux détresses d’un conducteur de cars faisant vivre une famille de 4 enfants avec guère plus qu’un smic et celle de sa mère, qui après avoir travaillé de 14 à 62 ans ignore comment survivre, fallait-il qu’on attendît des Français qu’ils portassent un regard bienveillant sur un quinquennat chaotique ? Est-ce par une séquence navrante qu’on entend faire tabula rasa des reniements pour espérer engager sa nouvelle campagne présidentielle ?
Enfin, dernier né des projets de reconquête de l’ancien électorat, un Plan de Citoyenneté et d’Égalité destiné à briser la ghettoïsation des quartiers par la promotion de la mixité sociale vient d’être annoncé par Manuel Valls. Mais qu’à la fin dans ce pays, on cesse les sottises ! Assez, avec ce fascisme de mixité sociale ! Si un Français refuse d’habiter au milieu d’un groupe communautaire dans lequel celui-ci ne se reconnaît pas, c’est un crime souverain que de vouloir l’y contraindre en usant de l’avantage écœurant qu’il est déshérité ! Sacrifiera-t-on un pays à une communauté ?
Si la société multiculturelle est viable, le projet d’une mixité sociale est une violence indigne d’un État civilisé. Les États-Unis, où les quartiers identitaires s’accumulent les uns à côté des autres en ont tiré les leçons, selon l’évidence qui admet que la seule liberté s’exerce dans des choix volontaires. Lorsque les autorités locales et gouvernementales commenceront à habiter au cœur des cités qu’elles érigent, à la place de préférer y sacrifier ses fonctionnaires muselés, à commencer par ses professeurs et ses forces de police, peut-être en reparlerons nous. Que dans ce pays, on cesse les hypocrisies ! Qu’un Homme d’État ose la rage de l’expression pour affirmer le vrai !
Enfin, si les gesticulations de ministres et adversaires politiques intimident, cela évite-t-il l’issue fatale qui couronne un mensonge ? Au moins, aurait-on pu épargner aux Français le spectacle d’une agonie baignant dans l’atmosphère sordide qu’abandonne toujours en partant, les mauvais gouvernants.
Mylene Doublet-O’Kane
Hollande : ces péchés originels qui conduisent au mensonge permanent
(Source : Riposte laïque)
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