Vitraux de Notre-Dame : Buren va-t-il refaire le coup du Palais-Royal ?

Viollet-le-Duc peut s'inquiéter... © Harmonia Amanda Wikipedia Creative Commons
Viollet-le-Duc peut s’inquiéter… © Harmonia Amanda Wikipedia Creative Commons

Lancée par La Tribune de l’art, la pétition contre les vitraux contemporains dans Notre-Dame de Paris approche les 141.000 signatures. Elle a toujours cours. Il n’est pas trop tard pour faire monter le compteur et exprimer son refus d’un enlaidissement indu et programmé, et cela, même si le processus avance, inéluctable, supervisé par les institutions religieuses et politiques. La phase de réception des projets s’est achevée le 24 mai. 110 projets ont été réceptionnés, 83 restent en lice.

Une centaine de projets pour des vitraux… Qui aurait dit que l’art sacré était aussi florissant depuis que l’abstraction et Vatican II lui avaient donné le coup de grâce ? Même en réunissant les Ateliers d’Art sacré, l’Arche, l’Atelier Breton d’Art chrétien, la Rosace, les Artisans de l’Autel, etc. – la floraison de l’entre-deux-guerres -, on n’en aurait sans doute pas obtenu autant. L’explication est simple. Il ne s’agit pas, ici, d’art sacré mais d’art contemporain. Même Daniel Buren a envoyé un projet. L’homme qui a souillé le Palais-Royal aimerait bien aussi parasiter Notre-Dame.

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Parmi les autres noms qui ont filtré, trois boomers de la « Figuration libre » : Hervé Di Rosa, Jean-Michel Alberola, Robert Combas (dont toute la contribution à l’art sacré consista en « une relecture décoiffante de chefs-d’œuvre exposés au Louvre »). Leur style se caractérise par l’agressivité et la vulgarité. Autres noms, ceux de plasticiens implantés sur le marché de l’art, dont un qui a produit quelques vitraux plutôt déprimants en 2008, Pascal Convert. La seule artiste à sortir du lot – talent et intériorité – est Claire Tabouret. On aimerait savoir si le peintre et sculpteur Augustin Frison-Roche a présenté un projet. Il a le goût du beau et l’expérience de l’art sacré. Il est vrai que dans un tel concours, ce serait plutôt un handicap.

Intéressées, les galeries se positionnent

Les 83 projets retenus vont être passés au crible par la commission menée par Bernard Blistène, un homme du milieu de l’art contemporain. Verra-t-on des négociations entre les différents acteurs, comme on en voit entre éditeurs au moment des prix littéraires ? Il y a, incontestablement, un jeu des galeries dans ces candidatures. Hervé Di Rosa, Jean-Michel Alberola, Robert Combas sont représentés par la galerie Michelle Champetier. Jaume Plensa et Barthélémy Toguo par la galerie Lelong & co., Philippe Parreno et Daniel Buren (dont Blistène est l’un des spécialistes) par la galerie Kamel Mennour. Le poulain (ou le cheval de retour) qui emportera le morceau verra sa cote monter – notion déterminante, dans ce milieu d’investissements et de spéculations.

L’évêque et le Président

À l’issue de la sélection, huit finalistes seront retenus, le 26 juin, desquels l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, discutera avec le président de la République. Leur légitimité à tous deux pour juger d’art sacré ? Autant que les plasticiens en lice, c’est-à-dire aucune. Le choix qui a été fait du mobilier liturgique parle de lui-même. Depuis Mgr Rouet, auteur de L’Église et l’art d’avant-garde : de la provocation au dialogue (Albin Michel, 2002), on sait que les évêques français parlent beaucoup moins bien d’art que saint Augustin en quelques phrases.

Mais – rappelons-le – de ces vitraux contemporains il n’est nul besoin.

Conçus pour les chapelles en question, ceux de Viollet-le-Duc n’ont pas souffert de l’incendieSeul le modernisme exige leur dépose, pour s’y loger à leur place. Le thème de ces vitraux contemporains sera l’arbre de Jessé. Merveilleux sujet, qui a inspiré des verrières splendides à Chartres, Saint-Denis, Soissons, Angers… Donner ce thème, en 2024, à des « plasticiens », c’est jeter des perles aux pourceaux.

Samuel Martin

Source : BOULEVARD VOLTAIRE – Vitraux de Notre-Dame : Buren va-t-il refaire le coup du Palais-Royal ?

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