RN-Reconquête : en route vers un cartel des droites

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Ambiance d’émeute, devant le siège du Rassemblement national, dans le XVIe arrondissement de Paris, ce lundi 10 juin après-midi. Les journalistes munis de perches et de caméras se bousculent sur le trottoir, devant le bâtiment où se joue une page majeure de la vie politique française : le possible retour d’une Assemblée à majorité patriote prête à conduire les destinées du pays. Le RN rassemblera-t-il suffisamment les Français, au soir du deuxième tour des législatives, le 7 juillet prochain ? L’enjeu est lourd.

Le premier parti de France le sait et ouvre grand les bras : « Nous avons souhaité lancer un appel à toutes les formations politiques », explique Bardella aux journalistes, qui évoque une possible cohabitation et le nécessaire « redressement du pays ».

Cette fois, le RN est au pied du mur du pouvoir. « Cette échéance et cette opportunité sont absolument historiques », explique Bardella, non sans préciser que « des discussions » ont lieu aussi avec « des cadres des Républicains ». Jamais les conditions d’une grande union des droites n’ont été à ce point réunies. Des programmes convergents sur de nombreux points, quoi qu’en disent les candidats durant la campagne, une faiblesse historique de la gauche et du macronisme, enfin, l’urgence d’un pays profondément abîmé et meurtri par des années de politique européiste et mondialiste.

Un bras de fer Maréchal-Zemmour ?

Première cible de cette ouverture, Marion Maréchal. « Contrairement à Éric Zemmour », la candidate « a fait preuve, durant toute la campagne, d’une démarche et d’une attitude constructive à l’égard du RN », dit Bardella. Le RN a dicté un accord cadre possible. À Reconquête d’étudier la proposition. Marion Maréchal doit en parler avec Éric Zemmour : elle n’a pas caché qu’elle était favorable à cet accord. Zemmour a toutes les chances d’y être très défavorable…

Lorsque Marion Maréchal a pris la parole, dans la soirée du 9 juin, entourée de ses colistiers, les observateurs ont immédiatement remarqué la mine interrogative et réprobatrice d’Éric Zemmour, debout à sa droite. « Je suis prête à rencontrer dans les jours qui viennent Marine Le Pen et Jordan Bardella, Éric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan pour travailler ensemble à l’alternative que notre pays exige », lançait-elle. Pas de quoi calmer les bruits de vives divergences au sein de Reconquête : les proches de Marion Maréchal, partisans d’alliances à droite, s’opposent au tandem Zemmour-Knafo, favorables à une guerre sans failles contre le RN. Des divergences que personne ne nie, mais qui se situent davantage sur le terrain tactique que sur le fond ou la stratégie, estime un cadre de Reconquête. Faut-il cogner sur le RN ou lui tendre la main ? Mais entre Zemmour et Maréchal, les conditions d’un divorce semblent réunies.

Éric Zemmour peut s’appuyer sur l’autorité de son poste de président-fondateur de Reconquête et sur l’appui indéfectible de Sarah Knafo. Mais le score de Marion Maréchal, qui a rempli le contrat des européennes, rebat les cartes au sein de Reconquête et apporte à la nièce de Marine Le Pen une puissance nouvelle dans un parti où elle est, par ailleurs, largement soutenue. « Sur le plan national, 80 % des cadres soutiennent la ligne Marion Maréchal dans ces négociations », assure un cadre régional de Reconquête interrogé par BV. Pour lui, « Éric n’est pas un politicien. Marion peut attaquer des idées, mais Éric attaque des personnes, ce qui laisse des traces. C’est une question de choix dans les mots. Du coup, là, elle peut négocier. »

Giorgia Meloni au centre des négociations

C’est le temps du marchandage. Vis-à-vis du RN, Marion Maréchal peut abattre deux atouts, l’un national, l’autre à l’échelle européenne. Au plan national, la nièce de Marine Le Pen va proposer au RN un accord électoral pour les législatives annoncées par Emmanuel Macron, selon un cadre Reconquête. Quelques circonscriptions gagnables dans lesquelles le RN soutiendra un élu Reconquête contre le soutien affiché du parti d’Éric Zemmour à l’ensemble des candidats RN. Si le RN veut obtenir la majorité des sièges, les voix de Reconquête ne seront pas de trop. Par ailleurs, le parti d’Éric Zemmour dispose de nombreux cadres parfois dotés d’une expérience politique supérieure à ceux du RN : de quoi muscler les équipes locales et les candidatures.

Mais cette solution, qui donnerait à Reconquête des élus, comporte un inconvénient majeur : moins de candidats présentés signifie moins de financement. Le parti devra faire une croix sur une partie des dotations publiques et, donc, de ses ressources.

Par ailleurs, Reconquête dispose dans la négociation d’un atout à l’échelle européenne. Ses cinq députés européens seront une contribution modeste au grand parti patriote européen dont tous rêvent sur le Vieux Continent. Mais Marion Maréchal est proche de Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, couronnée d’une large victoire, le 9 juin, en Italie, et qui s’impose comme le pilier d’un futur parti patriote européen.

Marc Baudriller

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