Tous les garçons et les filles d’un autre âge pleurent Françoise Hardy

Évanescente, élégante et vivante jusqu’à mardi soir, Françoise Hardy, après une longue et douloureuse maladie, est morte.

Égérie des années 1960, de l’époque des fameux yéyé, Françoise Hardy semblait une ombre romantique échappée d’un poème de Lamartine, état émotionnel sans doute motivé par une enfance jalonnée de tristesse. Et lorsque Sheila et Sylvie Vartan chantaient respectivement les enjoués « Vous les copains, je ne vous oublierai jamais » et « La plus belle pour aller danser », elle, de son côté, interprétait « Tous les garçons et les filles », avec ces paroles d’une tristesse alors anachronique dans ces années ensoleillées pour la France : « Mes jours comme mes nuits sont en tous points pareils / Sans joies et pleins d’ennui oh ! quand donc pour moi brillera le soleil ? ».

Passée par Le Petit Conservatoire de la chanson, émission de radio puis de télévision dirigée par Mireille, Françoise Hardy signe un premier contrat avec la maison de disque Vogue en 1961. Le succès arrive presque instantanément, et ce sont des titres toujours empreints de poésie qui jalonnent sa carrière, comme le magnifique « Mon amie la rose », telle une version moderne du célèbre « Mignonne allons voir si la rose » de Ronsard.

Dans cette chanson se déploie à nouveau cette mélancolie dont Françoise Hardy ne se départira presque jamais : 

« À l’aurore je suis née /

Baptisée de rosée /

Je me suis épanouie /

Heureuse et amoureuse /

Aux rayons du soleil /

Me suis fermée la nuit /

Me suis réveillée vieille /

Pourtant j’étais très belle /

Oui j’étais la plus belle /

Des fleurs de ton jardin. »

Sa voix douce et éthérée collait ainsi parfaitement aux vers d’Aragon dans le titre « Il n’y a pas d’amour heureux », aussi interprété par des pointures de la chanson comme Barbara ou Nina Simone, entre autres.

Mais, selon moi, sa plus grande chanson adviendra au cours des années 1970, avec « Message personnel », dont les paroles furent écrites par elle sur une musique de Michel Berger, le même Berger qui ressuscitera la carrière de Johnny Hallyday dans les années 1980 et dont le chef-d’œuvre serra évidement Starmania créé en collaboration avec Luc Plamondon. Le choix de mélanger le chant et la parole fait de « Message personnel » une comète dans la chanson française et l’une des plus belles perles de son collier.

Bien sûr, comment évoquer Françoise Hardy sans parler du couple mythique qu’elle forma pendant vingt ans avec Jacques Dutronc, ce qui donna naissance à un guitariste de talent : Thomas Dutronc, le même Thomas qui, mardi soir, annonçait la mort de sa maman.

Couple séparé dans les années 1980, mais qui n’en demeure pas moins attaché par des liens indéfectibles et trouve le moyen de nous offrir un duo magique en reprenant une chanson de Mireille : « Puisque vous partez en voyage ». Le couple d’hier interprète cette séparation sur un quai avec un naturel qui nous plonge dedans comme dans un film.

La belle Françoise Hardy a même tourné la tête à Bob Dylan en personne, qui, en l’apercevant dans le public de l’Olympia en 1966, fut déstabilisé et, de retour dans les coulisses, demanda à la rencontrer. Rencontre décevante pour elle. La légende raconte que Dylan en serait tombé amoureux plus tôt en découvrant une photo d’elle à New York et lui aurait, de l’aveu même de l’intéressée, écrit des lettres d’amour qu’il n’envoya jamais à l’époque et que Françoise Hardy ne découvrit que bien plus tard.

Née et décédée à Paris, Françoise Hardy, figure iconique de la femme française, au charme discret et aux yeux tendres, va nous manquer. Ou, pour reprendre les mots d’une autre Françoise (Sagan) : bonjour tristesse…

Charles Demassieux

Source : RIPOSTE LAÏQUE – Tous les garçons et les filles d’un autre âge pleurent Françoise Hardy

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