Les bacheliers confondent Simone Veil et Simone Weil : à qui la faute ?

Simone Veil

L’épreuve du baccalauréat de philosophie a surpris plus d’un lycéen. La philo est un passage obligé, une figure de style, une manière de sanctionner la fin des études secondaires. Autrefois, d’ailleurs, c’était le nom que portait la classe terminale : classe de philosophie. Chaque année, à la télévision, on fait venir un philosophe, jadis d’Ormesson, aujourd’hui Enthoven. Et parmi les sujets de cette épreuve reine, certains s’en souviennent peut-être, il y a toujours deux dissertations possibles, ainsi qu’un commentaire composé. Cette année, le texte proposé était signé de Simone Weil, philosophe profonde et brillante, amie proche de Gustave Thibon, auteur de La Pesanteur et la Grâce. Il y avait des choses à dire.

Seulement, pour dire des choses, même s’il faut évidemment séparer l’auteur de l’œuvre, il faut avoir un minimum d’éléments de contexte. Trois fois rien, une brève notice biographique, quoi. Or, nombreux ont été les élèves de terminale qui ont confondu la philosophe, avec un W, et l’ancien ministre de la Santé, avec un V. Ils ont donc fort logiquement rappelé que « Simone Weil » avait été à l’origine de ce droit fondamental qu’est l’avortement et que sa panthéonisation n’était que justice. Impeccable.

Une sainte du calendrier républicain

Évidemment, ces jeunes ont « l’seum ». Évidemment, on les comprend. On les comprend d’autant plus que ce n’est pas de leur faute. Ce n’est pas de leur faute si, plutôt que de leur faire découvrir les beautés des sentiers escarpés de la métaphysique (« La philosophie, disait Nietzsche, c’est la vie libre et volontaire dans les glaces et la haute montagne »), on les a matraqués depuis le jardin d’enfants avec la défense de l’avortement. Ils n’y peuvent rien. Ils sont même plutôt à plaindre. Vous me direz que ce n’est pas nouveau, et qu’il y aurait matière à citer certaines des diatribes de Desproges sur la jeunesse stupide des années 80, désormais à la retraite. C’est sûr.

Cela fait des années que les cathos ironisent avec plus ou moins de bonheur et d’élégance sur cette paronymie. « Pas la philosophe, l’autre… ». Pour la jeunesse de France, les rôles sont inversés. « Pas la défenderesse des droits des femmes à disposer de leurs corps, l’autre… » Ce n’est pas très surprenant, car la philosophe est quasi inconnue alors que le ministre est une sainte du calendrier républicain. C’était peut-être même un piège de la part des profs, allez savoir.

On n’osera pas demander aux correcteurs de l’épreuve ce qu’ont donné ces commentaires composés probablement assez surréalistes. Il doit y avoir un mélange entre le rire et les larmes. Mais, au fond, est-ce que ces erreurs massives sur l’auteur (ou l’auteure) de ce texte porteront préjudice à notre merveilleuse jeunesse ? Rien n’est moins sûr. Comme dans le rap, il y a un Auto Tune™ de la correction des copies qui consiste à distordre les fausses notes pour créer une justesse artificielle. Tout le monde aura le bac : celui qui croyait à Weil, celui qui n’y croyait pas. Roulez, jeunesse, bac en poche, sur les chemins de l’inculture heureuse. Sur les réseaux sociaux, certains autres de ces futurs prix Nobel se plaignent d’avoir trouvé, dans un sujet, l’adjectif « hostile », dont ils ignoraient le sens. On en est là.

Arnaud Florac

Source : BOULEVARD VOLTAIRE – Les bacheliers confondent Simone Veil et Simone Weil : à qui la faute ?

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