Vers la fin de l’OTAN : les Nations européennes doivent quitter l’OTAN (1)

« L’Amérique n’est pas l’alliée de la France ; c’est plutôt elle votre rival systémique. »

(Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France)

« Plus le parapluie américain est une chimère, plus les Européens s’y accrochent. »

(Général Vincent Desportes)

« L’OTAN n’est pas en état de mort cérébrale. C’est l’Europe qui l’est puisqu’elle refuse de se doter des moyens de la puissance. »

(Alain de Benoist, écrivain, philosophe)

« Keep the Americans in, the Russians out, and the Germans down. »

(Déclaration sur l’utilité de l’OTAN pour l’Europe par le Premier secrétaire général de l’OTAN, Lord Hastings Ismay, en 1949)

L’OTAN, bras armé des États-Unis, aurait dû disparaître en même temps que le bloc soviétique

Le traité de l’Atlantique Nord a été signé le 4 avril 1949. Son organisation politico-militaire, nommée OTAN, a été constituée l’année suivante par une douzaine d’États dont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et la France, pour parer à une attaque de l’Union soviétique. Or, cette menace a disparu avec l’effondrement de l’Empire soviétique en 1991. De nos jours, Poutine souhaite simplement rassembler le peuple russe, se rapprocher de l’Europe, n’a aucune envie d’envahir l’Europe car il a d’autres chats à fouetter dans son immense pays, d’autant plus qu’il n’en a pas les moyens humains (145 millions d’habitants).

L’OTAN assiège désormais la Russie tandis que l’Amérique a engagé une guerre par procuration avec la Russie en Ukraine, après être intervenue piteusement au Vietnam, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye. Les troupes américaines, avec leurs nombreuses bases, s’autorisent à intervenir partout, bien au-delà de l’Atlantique nord. Pourquoi pas demain en mer de Chine ? Cette alliance non plus défensive mais offensive, au service des États-Unis, est devenue une menace pour la paix.

L’ennemi de l’Europe, ce n’est pas la Russie, mais elle-même avec sa haine de soi, l’invasion migratoire extra-européenne, l’islamisme conquérant, et l’impérialisme américain

Selon le président Macron, « l’OTAN est en état de mort cérébrale, d’autant plus que la Russie fait partie de l’Europe et n’est pas notre ennemi ». La Russie n’est pas une menace, mais un voisin et un partenaire avec qui il convient de se rapprocher. L’OTAN est en fait devenue un moyen au service des États-Unis, sans finalité européenne.

L’OTAN se survit à elle-même en poursuivant l’ombre d’un ennemi disparu, l’URSS. Or, ce pays n’est plus le foyer d’une idéologie expansionniste qui menaçait tout l’Occident et plus généralement le monde capitaliste. Il est au contraire redevenu un État qui défend ses intérêts nationaux, les valeurs traditionnelles européennes, une nation parmi les plus puissantes du monde, dotée du territoire le plus vaste de la planète.

À quoi sert l’OTAN dès lors que l’URSS n’existe plus et que des pays aussi peu sûrs que la Turquie ou aussi agressifs que la Pologne en sont membres ? Si l’Amérique voit « l’Eurasie » comme une rivale dangereuse, la France peut parfaitement considérer la Russie comme un partenaire complémentaire. La seule utilité de l’OTAN, vidée de sa substance depuis la disparition de l’URSS, c’est de permettre aux États-Unis de maintenir leur emprise sur l’Europe.

L’OTAN, faux-nez des États-Unis, cherche à imposer aux Européens une extension géographique et fonctionnelle

Le défi pour la France et les Européens consiste à empêcher que le champ de compétences de l’OTAN s’étende à d’autres domaines et à d’autres zones géographiques. La France se doit de plaider pour une réforme dans le sens contraire, c’est-à-dire un recentrage de l’Alliance. Le ministère français de la Défense a expliqué dès 2007 que les clins d’œil de l’OTAN vers des secteurs civils ou en direction de pays partenaires en Asie et en Océanie, dénotent, « un changement de nature de l’alliance » et « visent, sous l’impulsion des États-Unis, à transformer l’OTAN en une organisation de sécurité à vocation globale, tant géographique que fonctionnelle ».

L’OTAN ne doit pas devenir une organisation englobant des compétences disparates qui n’auraient plus aucun lien avec l’esprit du traité. Le ministre Le Drian a plaidé en 2014, lors d’un séminaire de l’OTAN, pour « concentrer l’Alliance sur son domaine d’excellence ». Mais la bureaucratie otanienne continue son travail de sape, suite aux pressions américaines et à l’acquiescement discret de la plupart des partenaires, à l’exception de la France. La perte du focus euro-atlantique et la désignation des adversaires sur la planète entière est la grande mutation post-Guerre froide.[1]

Comme a pu le résumer brillamment Jolyon Howorth « à partir d’une organisation dont l’objectif initial fut d’assurer un engagement américain au service de la sécurité européenne, l’OTAN a été transformée, presque imperceptiblement, en une autre organisation dont le nouvel objectif est d’assurer un engagement européen au service de la stratégie globale des États-Unis ».[2]

L’OTAN est censée scandaleusement se préoccuper de la sécurité énergétique des Européens afin que l’Amérique vende son gaz de schiste en lieu et place du gaz russe.[3] L’espace est également sur la liste pour prévenir toute velléité d’indépendance européenne.[4] L’Alliance atlantique pourrait aussi être tentée pour compléter la réalisation du protectorat américain de s’aventurer sur le terrain du commerce et de l’économie car, selon l’Américain Stanley R. Sloan « dès le départ l’OTAN était non seulement militaire, mais tout aussi politique et économique », ayant vocation à « défendre les systèmes politiquement démocratiques et économiquement libéraux de ses États-membres ».[5] 

Sloan constate que l’OTAN est en péril car ces valeurs sont menacées au sein de l’Alliance atlantique, suite à des personnalités politiques et des mouvements politiques hostiles. Un rapport de l’assemblée parlementaire de l’OTAN du député américain Gerald Connolly en arrive même à l’idée de « surveillance démocratique » des pays européens, ce qui constituerait le summum de la réalisation du rêve de protectorat américain en Europe.[6] Les Européens doivent se souvenir des fuites d’un document officiel du Pentagone en pleine guerre froide qui avaient provoqué un tollé : l’OTAN y était décrite comme le « canal de l’influence des États-Unis » et parmi les objectifs américains figurait le souci de « décourager, dans les pays développés, toute tentative pour renverser l’ordre politique et économique »[7].

Le général de Gaulle avait déjà mis en garde sur le danger de se retrouver entraîné dans les aventures militaires des États-Unis : « D’abord, on a vu que les possibilités de conflit, et par conséquent d’opérations militaires, s’étendaient bien au-delà de l’Europe, et qu’à leur sujet il y avait entre les principaux participants de l’Alliance atlantique des divergences politiques qui pourraient, le cas échéant, tourner en divergences stratégiques »[8]. Or, « des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est dans l’OTAN celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte, lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu »[9] .

Les intérêts des Européens et des Américains ne coïncident pas sur de nombreux dossiers, qu’il s’agisse de la Russie, de la Syrie, de l’Iran, du Proche-Orient, de l’Arctique, de la Chine, de l’Afrique, de l’immigration extra-européenne, de l’islam. Accepter de formuler ces politiques au sein de l’OTAN, c’est accepter de se placer dans une position de suivisme et d’alignement avec les États-Unis. Selon un doux euphémisme du ministre français de la Défense Alain Richard en 1999. : « il est incontestable que l’Alliance n’est pas nécessairement l’entité la mieux à même d’assurer à l’Europe une voix plus puissante dans les affaires du monde ».

Les réticences de la France pour établir des partenariats avec l’Australie et le Japon s’expliquent par le refus d’instituer une sorte de grande alliance des démocraties, afin de se substituer à l’ONU, avec une logique de bloc à bloc entre l’Occident et le reste du monde. Sous prétexte de sauver l’Alliance, les Européens sont priés d’aligner leurs politiques sur celles des États-Unis. C’est ainsi qu’en signant un accord de partenariat renforcé avec l’Australie, le secrétariat général de l’Alliance a tenu à préciser que le but est de contrer la montée en puissance de la Chine.[10]

En janvier 2019, Stephen M. Walt, un expert américain reconnu des relations internationales a écrit un article dans la prestigieuse revue Foreign Policy où il se permet d’affirmer que pour sauver l’OTAN « les Européens doivent devenir l’ennemi de la Chine » ou de n’importe quel autre adversaire désigné par les États-Unis.[11] L’enceinte de l’OTAN est toute trouvée pour faire ce travail de « coordination » aliénante entre les Européens et les Américains. Il importe donc, bien au contraire, que les Européens excluent la Chine, Taïwan, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie des préoccupations de l’OTAN, sous peine de devenir un valet stupide, sans stratégie propre conforme à leurs intérêts vitaux, de la politique étrangère et de défense des États-Unis. (à suivre)

Marc Rousset – Auteur de Notre Faux Ami l’Amérique/ Pour une Alliance avec la Russie – Préface de Piotr Tolstoï – 370p – Librinova -2024

[1] Hanjalka  Vincze- Une OTAN de plus en plus englobante – pp 26-29- Revue ASAF – Hiver 2019

[2] Jolyon Howorth – Transatlantic Perspectives on European Security in the Coming Decade – Yale Journal of International Affairs- Summer – Fall 2005

[3] Hajnalka Vincze – Une OTAN de plus en plus englobante – 2° partie – pp 23-26 – Revue ASAF – Printemps 2020

[4] Robin Emmott – Nato aims to make space new frontier in defense – Reuters Exclusive – 21 juin 2019

[5] Stanley R. Sloan- Transatlantic Traumas – Manchester University Press – 2018

[6] Gerald Connolly – 70 ans de l’OTAN – Pourquoi l’alliance demeure – t- elle indispensable ?  Assemblée parlementaire de l’OTAN – Septembre 2019

[7] Defense Planning Guidance -Extraits ébruités dans le New York Times- 8 mars 1992

[8] Conférence de presse du général de Gaulle – le 5 septembre 1960

[9] Conférence de presse du général de Gaulle – le 21 février 1966

[10] Agence Reuters- Nato needs to address China’rise, says Stoltenberg – 7 août 2019

[11] Stephen M.Walt – Europe’s Future is as China’s Enemy – Foreign Policy – 22 janvier 2019

Source : RIPOSTE LAÏQUE – Vers la fin de l’OTAN : les Nations européennes doivent quitter l’OTAN (1)

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