La Russie, une démocratie autoritaire, conservatrice et patriote (3)

La Russie prête à combattre la décadence les armes à la main : « Patriotes de tous les pays, unissez-vous ! »

La Russie de Poutine est devenue l’ennemi, bien plus que la Russie soviétique, parce qu’elle incarne des valeurs et des principes de patriotisme, d’enracinement et de traditions, honnis par l’idéologie dominante à l’Ouest. Poutine est détesté parce qu’il semble s’inspirer du tsar Alexandre III qui s’appuyait sur l’Église orthodoxe et le populisme, c’est-à-dire l’esprit du peuple, et pratiquait l’autorité souveraine. La russophobie des castes dirigeantes et des médias occidentaux s’explique pour des raisons idéologiques et non pas pour des raisons stratégiques réelles de menace militaire. Poutine dérange car il défend une idéologie patriote qui est détestée par les élites occidentales, idolâtres du cosmopolitisme.

Selon Chantal Delsol la volonté impériale de la Russie nous apparaît comme un vestige de l’âge agressif, héroïque et conquérant ; pour nous, un âge révolu. Notre détestation de Poutine ne provient pas de ce qu’il veut s’approprier des territoires qui appartiendraient à notre zone d’influence, mais bien plutôt de ce qu’il est encore prêt à guerroyer pour des territoires. Cette détestation s’enracine dans la question du soi-disant progrès : Poutine refuse l’évolution du temps, tel en tout cas que nous le définissons. C’est une récusation de la modernité émancipatrice.

Poutine répète sur tous les tons, selon l’écrivain Michel Eltchaninoff, quelque chose que les Russes ont besoin d’entendre et qui pourrait se résumer ainsi : « On n’a pas le droit de dire à 150 millions de personnes que soixante-dix ans de leur vie, de la vie de leurs parents et de leurs grands-parents, que ce à quoi ils ont cru, ce pour quoi ils se sont battus et sacrifiés, l’air même qu’ils respiraient, tout cela était de la merde. »
L’éducation militaire et patriotique a été rétablie en 2013 dans les écoles. On a repris les rites comme le salut au drapeau ; on enseigne un civisme fondé sur la fraternité ; on a mis l’accent sur la langue russe et l’histoire de la Russie ; on a même créé des écoles de cadets et privées de cosaques.

Selon un sondage Gallup 2014 publié sur le site « Les Crises » : Qui est prêt à se battre pour son pays ? Le record est détenu par le Maroc (94 %) et le Pakistan (89 %). L’Inde est à 75 % et la Chine à 71 %. Israël est à 66 %. La Russie est à 59 % et les non à 20 %. Les USA sont à 44 % et 31 %. Les pays européens et l’Australie ont plus de non que de oui. La France est à 29 % et 44 %. L’Angleterre ne vaut guère mieux. Les pires sont l’Italie (20 contre 68), l’Allemagne (18 contre 44). Même la Suisse est à 39 % contre 47 %.
Inquiétante et fascinante, la Sainte Russie serait le miroir de nos faiblesses. Ce que Gérard Depardieu, fraîchement naturalisé russe, synthétisait brutalement dans un entretien à Vanity Fair : « Je suis prêt à mourir pour la Russie, parce que les gens y sont forts : je ne veux point crever comme un con dans la France de maintenant ».

Selon Éric Zemmour, « Poutine est le représentant des Blancs russes pris en tenaille démographique entre l’exubérance musulmane à l’intérieur, qui représentera 30 % du pays dans vingt ans, et la montée inexorable de la puissance chinoise à l’extérieur. Il est un homme du XXIe siècle, qui se sert de ses armées comme on le faisait alors, tandis que les Européens sont des hommes du XXIe siècle qui ne jurent que par l’économie et par le droit ».

À noter que Zemmour oublie, comme autre menace sérieuse, tous les pays musulmans au sud de la Russie (ancien Turkestan de l’URSS, Turquie, Iran, pays arabes du Moyen-Orient).
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Poutine a aussi compris, poursuit Zemmour, qu’il était sur le même bateau que les Européens de l’Ouest. Un bateau qui ressemble au radeau de la Méduse. Mais au contraire de ses « partenaires », il a choisi de regarder la réalité en face. Tomber, mais les armes à la main. Poutine est notre remords et notre nostalgie ; c’est pour cette raison qu’on lui en veut autant ».

Une Russie plus démocratique que la France

La Démocratie fonctionne mieux en Russie qu’en France. Cela peut passer pour une plaisanterie selon les médias français et les élites politiquement correctes, mais c’est la triste réalité. La démocratie est, selon la Constitution française « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Par le peuple signifie par les élections et le référendum. De ce point de vue, la Russie et la France n’ont guère de différences sur le plan formel. Par contre, il est certain que les hommes politiques russes représentent mieux le peuple, y compris dans ses couches modestes, que les hommes politiques français issus pour beaucoup de castes bourgeoises de fonctionnaires souvent privilégiés de naissance. Poutine incarne plus le Russe moyen que le banquier et énarque technocrate Macron.

Si l’on considère les taux de popularité, Poutine, malgré le passage très impopulaire, en 2018, de l’âge de la retraite, pour le bien nécessaire du pays, de 55 ans à 63 ans pour les femmes, et de 60 ans à 65 ans pour les hommes, dans une immense Russie sous-peuplée, est, selon les années, de 60 à 70 % dans l’électorat russe. Macron, en France, c’est environ 20 %, soit trois fois moins. Élu avec un pourcentage record d’abstention, à l’issue d’un choix par défaut suite à un coup d’État médiatico-politico-judiciaire, la légitimité du Président Macron est très faible.
Des sondages en juin 2020 ont montré que 70 % des Français n’ont plus confiance dans l’institution présidentielle.

Une immigration russophone faible, strictement contrôlée et régulée

Lors d’un entretien accordé par Poutine au Financial Times, l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’immigration a été très clairement définie : « Ultimement, le bien-être du peuple dépend tout d’abord de sa stabilité (…) Nous ne devons jamais oublier en Russie que le but de tout gouvernement est de créer une vie stable, normale et sûre pour le peuple, d’œuvrer pour un avenir meilleur (…) C’est un bel idéal, mais où sont les intérêts de la population autochtone quand le nombre des migrants se dirigeant vers l’Europe de l’Ouest n’est pas une simple poignée, mais des milliers ou des centaines de milliers de personnes ?

Angela Merkel a commis une faute cardinale. On peut critiquer Trump pour son intention de construire un mur entre le Mexique et les États-Unis (…) Mais Trump devait faire quelque chose contre l’énorme flux entrant de migrants et de narcotiques. Personne ne fait rien. (…) Trump cherche au moins une solution (…) Les tenants de l’idéologie libérale disent que tout va bien. Ils sont installés dans leurs bureaux confortables tandis que ceux qui sont confrontés aux problèmes chaque jour, au Texas ou en Floride, ne sont pas heureux. (…) Mes collègues disent qu’ils ne peuvent pas mener une politique dure contre l’immigration « parce qu’ils ont des lois ». Et bien alors, changez les lois ! (…)

Nous avons ouvert les frontières avec les anciennes républiques soviétiques, mais au moins ces gens parlent russe (…) Nous travaillons avec les pays d’origine de ces migrants, on leur apprend le russe à l’école (…) Nous avons durci la législation afin de montrer que ces migrants doivent respecter les lois, les coutumes et la culture de notre pays (…) L’idéologie libérale est devenue obsolète. Elle est venue en conflit avec les intérêts de l’écrasante majorité de la population. »

Un islam officiel russe, soumis, patriote, anti-djihadiste

En Russie, la priorité de fait est à la religion ancienne, la religion orthodoxe ; les autres croyances sont bienvenues, mais elles doivent s’adapter au contexte du pays d’accueil.
Le président russe a inauguré le jeudi 24 septembre 2015 la Grande Mosquée de Moscou, l’une des plus grandes d’Europe, susceptible d’accueillir 10 000 personnes, à trois kilomètres à vol d’oiseau de la place Rouge, avec une superficie de 19 000 mètres carrés. Le chantier a été financé en grande partie par un milliardaire du Daguestan, dans le Caucase du Nord. Tout ce que le monde musulman russe compte de clercs s’était déplacé dans la capitale russe pour admirer l’architecture et écouter « notre leader national Vladimir Vladimirovitch Poutine ».

« La Russie a toujours été un pays multiconfessionnel et l’islam est une des religions traditionnelles » a insisté le chef du Kremlin, saluant au passage le « travail héroïque mené par les leaders musulmans » qui luttent contre l’entreprise d’embrigadement de l’État islamique, ce dernier « compromettant l’islam et semant la haine ».

En retour, le chef du Conseil des muftis de Russie, Ravil Gaïnoutdine, a rendu un hommage appuyé au chef de l’État, frôlant l’obséquiosité : « Aucun empereur, aucun secrétaire du Parti communiste, aucun dirigeant de notre pays avant Vladimir Poutine n’avait déclaré, comme il l’a fait, que la Russie est aussi un pays musulman ». Comptant 20 millions de fidèles musulmans, le pays se découvre par ailleurs vulnérable à l’entrisme radical, y compris à Moscou. Dans ce combat, le Kremlin peut compter sur un soutien politique sans faille de la communauté musulmane officielle, similaire à celui prodigué par l’Église orthodoxe.
Et le grand Mufti de Russie d’ajouter lors d’un meeting en juin 2019 : « L’ensemble des pays musulmans, et tous les musulmans de la planète sont pour la Russie et soutiennent les décisions de Vladimir Poutine ».

Lors du Forum éducatif Nouveaux Horizons, en mai 2022, le président musulman de la Tchétchénie Ramzan Kadyrov a pu dire : « Un patriote est celui qui aime sa patrie, qui protège sa patrie, sa famille. Aujourd’hui, nous devons tous être des patriotes. J’ai réalisé que la patrie est la chose la plus importante. Plus importante que la famille, la vie personnelle. »

En juin 2015, le Conseil des Muftis de Russie a publié « une doctrine sociale », sorte de manuel anti-djihad, enjoignant les musulmans russes à se montrer « patriotes » et, selon son auteur Rouchan Abbiasov, « à ne pas sortir dans la rue pour protester contre le régime ». Dans ce climat de mobilisation générale idéologique contre l’État islamique, les musulmans de Russie aspirent à l’Union sacrée.

Lors d’une conférence de presse en décembre 2020, Vladimir Poutine a insisté sur les différences entre le multiculturalisme en Europe et celui de Russie : « En Europe, les membres de la communauté musulmane sont généralement des immigrants issus de l’immigration, de deuxième ou troisième génération, alors qu’en Russie les représentants des diverses confessions habitent leur pays d’origine. Ils n’ont pas d’autre patrie. »

Et de poursuivre : « C’est là que réside la différence principale entre la façon dont cohabitent les représentants des diverses confessions en Russie et celle qu’on voit dans les pays européens. C’est pourquoi, en Europe, le projet multiculturel a échoué, ce que beaucoup de ses adeptes ont dû admettre ».

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » Préface de Piotr Tolstoï – 370p – Librinova – 2024

Source : RIPOSTE LAÏQUE – La Russie, une démocratie autoritaire, conservatrice et patriote (3)

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