Qui ne connaît Guédelon, au moins de nom ? En Puisaye (Yonne), depuis plus d’un quart de siècle, des corps de métiers sont réunis autour d’un projet fou : bâtir un château fort avec les moyens techniques de l’époque médiévale. Une entreprise humaine, artisanale, patrimoniale sans équivalent et qui mérite le respect, mais la récente prise de position de l’entreprise « contre l’extrême droite » ne manque pas de surprendre.
Qu’une candidate aux législatives visite le chantier, c’est tout naturel. Ainsi Florence Loury, écologiste sous étiquette NFP pour la première circonscription de l’Yonne, a visité Guédelon, le 22 juin. Maryline Martin, cofondatrice de Guédelon, lui a présenté le volet écoresponsable du chantier. On imagine qu’en accueillant le candidat RN, Daniel Grenon, on lui aurait vanté le système défensif contre les migrants (quoi de mieux que des remparts ?). En fait, non. Car sur Instagram, Guédelon conclut son post ainsi : « Guédelon soutient Florence Loury dans la première circonscription de l’Yonne et se mobilise contre l’extrême droite. »
Sur Insta, le post tendancieux de Guédelon. Il a été retiré ce 26 juin.
Le compte de Guédelon est suivi par 60.300 abonnés. Plus de 1.600 d’entre eux ont aimé le post. Ce qui ne veut pas dire qu’ils l’ont lu : une partie d’entre eux a dû aimer la seule photo, en passant. Ce qui est éloquent, ce sont les 400 commentaires dont pas un, semble-t-il, n’approuve la politisation du chantier. Beaucoup soulignent qu’entre Guédelon et une coalition de partis qui crachent sur l’Histoire de France, il y a comme un hiatus. Que – corollaire – les visiteurs du chantier ont un fort attrait pour le patrimoine, valeur plutôt choyée « à droite ».
Des visiteurs qui s’estiment trahis
Car, enfin, quelle aberration de se prétendre bâtisseur tout en soutenant des déconstructivistes ! À Guédelon, on laisse montres et téléphones à l’entrée et on revêt des blouses et des surcots. On transporte des matériaux dans des carrioles tractées par des animaux. On construit des appareils de levage sans électricité. Il n’y a ni perceuse, ni meuleuse, ni scie électrique. On pourrait discuter si c’est décroissant, raspaillien ou mormon – ou un peu des trois. Mais « contre l’extrême droite » ? Quelle concession au goût du jour, dans un projet qui se justifiait par sa volonté de n’en faire aucune !
Bref, beaucoup de commentateurs disent qu’ils ne mettront plus les pieds à Guédelon. « Vous perdez une famille de visiteurs », disent-ils en substance, car Guédelon est propice à des visites familiales, avec l’enthousiasme naturel des enfants pour les châteaux forts et pour les chantiers… Or, Guédelon vit de la billetterie. Sur le papier, l’entreprise est si peu de gauche qu’elle se vante de vivre sans subventions. Stricto sensu, oui. Mais elle bénéficie de visites de groupes dont divers services sociaux payent tout ou partie des billets : DDAS, CCAS, CROUS… Bons deniers et ducats publics qui tombent dans l’escarcelle.
À Treigny, RN et Reconquête ont fait 40,3 %
Puisque les électeurs « d’extrême droite » ne sont pas les bienvenus, le chantier est-il prêt à se passer d’un tiers de ses visiteurs ? C’est une des questions que BV aurait aimé poser aux responsables de Guédelon, tout comme cette autre : précipiterez-vous dans les culs-de-basse-fosse vos tailleurs de pierre, charpentiers et forgerons qui ont voté « extrême droite » ? À Treigny, commune où est situé Guédelon, RN et Reconquête ont cumulé 40,3 % des voix aux européennes.
Derrière leurs créneaux, les châtelains de gauche n’ont pas daigné répondre à nos missives. Et, ce 26 juin dans l’après-midi, la publication en cause a disparu du compte Instagram… sans plus d’explications. Preuve que laisser des commentaires pour manifester un mécontentement a son utilité. Retour au réel pour les bâtisseurs de Guédelon. À vos truelles, courageux compagnons !
Samuel Martin
Source : BOULEVARD VOLTAIRE – Guédelon prend position « contre l’extrême droite » puis rétropédale
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