Vive la France – Découvrez l’un des plus anciens élevages d’eaux vives

©Gabriel Decroix
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À quelques encablures de Paris, Boulevard Voltaire a sillonné la vallée boisée de la Vaucouleurs, petite rivière, affluent de la Seine, pour rejoindre la Pisciculture de Villette, dans les Yvelines. Ici, le temps suspend son vol, le site ne laisse retentir que le cri du paon ou le chant du coq. De délicieuses odeurs de poisson fumé au feu de bois flottent dans l’air. Un endroit idéal pour trouver la quiétude.

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Fondée en 1896, la Pisciculture de Villette est l’un des plus anciens élevages d’eaux vives de France. Elle bénéficie d’une eau exceptionnelle, malgré la proximité de Paris, et on y élève des truites, des saumons et des carpes. Depuis 80 ans, la pisciculture travaille en circuit court grâce à la maîtrise de toute la chaîne : de l’élevage à la vente. « Nous n’avons pas attendu la mode lancée, il y a quinze ans, par les Franciliens et les urbains. Ils n’ont pas inventé l’eau chaude », sourit son directeur, Emmanuel Coupin. Ils sont douze salariés : neuf à Villette et trois à Thoiry, à la conserverie Écailles et Compagnie.

Le directeur nous fait découvrir son site où les curieux peuvent entrer gratuitement pour contempler les viviers de poissons, les bassins de carpes japonaises vendues vivantes, l’écomusée et son moulin du XVIe siècle ou s’approvisionner en produits du terroir à la boutique. C’est aussi l’occasion de visiter les coulisses de l’atelier et du fumoir.

Un pari stratégique payant

Entre 1947 et 1948, la pisciculture a réalisé qu’elle ne pouvait pas lutter contre de gros élevages avec d’importants volumes. « Puisqu’on ne peut pas être gros, faisons petit et transformé », explique Emmanuel Coupin. C’est ainsi que ces pisciculteurs se sont lancés dans la vente directe dans les années 50, avec un grand succès auprès des particuliers ou des restaurateurs locaux qui évitaient ainsi de se faire grignoter leur marge par tous les intermédiaires.

Ici, tout est produit à l’ancienne, à la main : les poissons sont éviscérés, tranchés, salés, chauffés, fumés au feu de bois et, enfin, mis sous film ou en conserve.

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La production est adaptée au plus près de la demande. Une production sur commande : en Île-de-France, « nous sommes les seuls à pouvoir dire que le poisson que vous allez manger ce soir se trouve encore dans le bassin en train de nager devant vous. C’est une force énorme ! » s’enthousiasme le directeur. Une production aussi adaptée en effectuant de la transformation pour ne générer aucune perte. Si, d’aventure, il reste des invendus, ils sont transformés en rillettes ou en terrine en conserve. Et tous les produits ajoutés proviennent des Yvelines !

Un mode de consommation plébiscité

« Depuis une quinzaine d’années, le vrai renouveau est plutôt chez les jeunes », note Emmanuel Coupin. Une partie des jeunes se met à consommer localement des produits sains, non transformés. Tandis que les gens de plus de 45 ans qui mangent bien sont dans la norme, les jeunes générations de moins de 45 ans se nourrissent très mal. « Si 5 % des Franciliens vont manger à la ferme, c’est déjà suffisant », remarque-t-il.

60 % de leurs produits sont vendus directement sur place, le reste est vendu dans des épiceries fines en Île-de-France : truites fraîches, truites et saumons fumés au feu de bois, terrines et rillettes en conserve avec des produits venant des Yvelines (oseille, écrevisse, chorizo, framboise). Les truites sont élevées à Villette mais issues de bassins en Normandie. Les saumons en provenance d’Écosse et des îles Féroé sont élevés sous label Aquaculture durable. Ils sont ensuite préparés à la pisciculture. Chaque semaine, ce sont 30 à 80 kg de saumon et 120 kg de truite qui sont produits.

Chaque année, la Pisciculture de Villette reçoit entre 45.000 et 50.000 visiteurs, 12.000 à 13.000 familles venant faire leurs courses. Avec une croissance régulière de 2 à 5 % par an, les gérants restent confiants dans l’avenir.

Des choix forts et assumés

« Tant que je dirigerai cette entreprise, je n’aurai aucune prétention à faire beaucoup plus de volume : nous ne serions plus dans un cercle vertueux. Produire plus pour gagner plus ne m’intéresse pas », déclare le directeur. Par ailleurs, la Pisciculture travaille avec des associations qui donnent une chance à des personnes sorties de l’emploi. C’est ainsi qu’elle envoie des livreurs à vélo à Paris plutôt que des camionnettes polluantes. « Si je ne suis pas là pour faire du social, car je paie assez d’impôts comme cela, je vais privilégier l’association qui envoie des vélos électriques plutôt qu’un transporteur international qui a une flotte de 250 camions », nous dit le patron.

Emmanuel Coupin reconnaît que le métier n’est pas facile parce qu’il travaille 7 jours sur 7, 70 heures par semaine, que ses équipiers effectuent des travaux difficiles. Mais travailler en extérieur dans un cadre fabuleux est une chance inouïe. Et puis, surtout, ils ont cette récompense d’être en prise directe avec le consommateur. « Quand je vends mon produit, c’est moi qui l’ai élevé, c’est moi qui l’ai fumé, c’est moi qui l’ai transformé, c’est moi qui l’ai mis en rillette. Je vais écouter mon consommateur en magasin plus que tout, car il juge mon travail. Comme nous avons d’excellents retours avec des clients très fidèles, c’est très gratifiant », nous confie Emmanuel Coupin.

Vieille de 128 ans, grâce à un modèle sain et équilibré, la Pisciculture de Villette n’a pas pris une ride et laisse encore entrevoir de beaux jours devant elle…

Gabriel Decroix

Source : BOULEVARD VOLTAIRE – [VIVE LA FRANCE] Découvrez l’un des plus anciens élevages d’eaux vives

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