Cinéma – Que notre joie demeure, les destins du père Hamel et du terroriste

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Que notre joie demeure, le quinzième film de Cheyenne-Marie Carron, revient sur l’assassinat du père Jacques Hamel, en 2016, par Adel Kermiche, jeune musulman français radicalisé par la propagande de l’État islamique. Le film est construit en miroir. La première partie suit le père Hamel dans ses œuvres. La seconde, le parcours de son assassin.

Le père Hamel était un homme au service de sa communauté, charitable et bienveillant. Interrogée par BV, la réalisatrice déclare : « Je me devais de réaliser un film à l’image du père Hamel, c’est-à-dire un film qui parle de bonté et d’espérance. » Dès les premiers instants, la certitude du drame fait peser une atmosphère pesante sur la dernière semaine de sa vie, renforcée par la chaleur pesante de ce mois de juillet 2016. À mesure que s’égrènent les minutes, le spectateur, qui sait comment se termine l’histoire, redoute toujours plus la conclusion qui s’approche. Comment peut-on vouloir nuire à un tel homme ?

Le film mêle des scènes inspirées de témoignages à d’autres, plus fictives. Il brosse un portrait parallèle des deux hommes dont le destin est désormais lié. Après le père Hamel, on suit le jeune Adel Kermiche. Sorti de prison, sans emploi, vivant chez sa mère, il passe le plus clair de son temps libre à regarder des vidéos de propagande sur son téléphone ou à fréquenter des milieux toujours plus radicaux, passant de proches des Frères musulmans jusqu’à des sympathisants de l’EI en France.

Sa mère et sa sœur sont, par contraste, des modèles d’assimilation. La première lit Voltaire, qu’elle souhaite faire apprécier (sans succès) à son fils, et remercie la France pour ce que la nation lui a donné. Dans une scène très émouvante, elle demande pardon à la France et aux chrétiens pour l’acte dont Adel s’est rendu coupable. À travers la souffrance de cette femme, profondément touchante, on réalise l’horreur du meurtre. Adel n’a pas détruit que la vie du prêtre et de ceux qui l’aimaient, il a également détruit la vie de sa propre mère.

Un film de vérité

L’une des forces du film est sa subtilité. Il n’a aucun tabou ni aucune idéologie mais fait devoir de vérité. La vérité sur l’embrigadement djihadiste en France, mais également la vérité sur les nombreux musulmans qui voient en la France le pays des Lumières. « Contrairement à ce que l’on dit bien souvent, beaucoup de musulmans sont horrifiés par les attentats islamistes qui se produisent sur le sol français, explique Cheyenne-Marie Carron à BVNotamment dans les milieux artistiques, comme celui du cinéma. Il me semble, pour en avoir discuté avec mes comédiens, que leur participation au film, c’est aussi une manière pour eux de dénoncer l’islamisme radical. »

La partie sur le père Hamel commence par une citation de la Bible, celle sur Adel du Coran. Les deux ont en commun de mettre en garde contre le grand ennemi des deux religions : le diable et son œuvre de division. La réalisatrice poursuit : « Le père Hamel avait une attention particulière portée vers le dialogue interreligieux, car dans la ville de Saint-Étienne-du-Rouvray, les communauté chrétienne et musulmane sont présentes. » La première scène voit le prêtre dialoguer avec un imam dans les allées d’un jardin sur l’importance du Christ et de la Vierge dans la religion musulmane, et le film s’achève sur une véritable lettre qu’avait écrite un des proches radicalisés d’Adel depuis sa cellule de prison, demandant pardon pour les actes commis.

Adel, justement, n’est pas dépeint de manière manichéenne. Il y a chez l’assassin un double mouvement. D’un côté, un endoctrinement qui paraîtra surréaliste à beaucoup. Adel souhaite mourir en martyr, notamment pour rejoindre un harem de jeunes vierges au paradis. De l’autre, des raisons plus politiques. Il ressent une immense colère envers ce qu’il perçoit comme les crimes de l’Occident.

Lors du dénouement il met ainsi en garde une sœur : « Vous direz à la télé que, tant qu’il y aura des morts en Syrie et en Libye, il y en aura en France aussi. » Certes, cela ne justifie nullement son acte barbare, mais le film retrace le cheminement de pensée qui y mène. Comme le dit le père Hamel, dans le film : « Peut-on préférer les ténèbres à la lumière ? Non, sans doute non ! Mais, quand nous commençons à fermer les yeux pour ne pas voir le mal du monde et sa souffrance, c’est déjà la nuit qui s’installe. »

Louis de Torcy

Source : BOULEVARD VOLTAIRE – [CINÉMA] Que notre joie demeure, les destins du père Hamel et du terroriste

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