Wokisme : le père de vingt albums Babar ne verra pas la fin du procès du roi des Éléphants

©Jean de Brunhoff, Public domain, via Wikimedia Commons

Laurent de Brunhoff ne verra pas la fin du procès de Babar. Le fils de Jean de Brunhoff, créateur en 1931 du délicieux éléphant en habit vert, lui-même auteur d’une vingtaine d’albums de l’éléphant roi, s’est éteint auprès de son épouse américaine, ce 22 mars, en Floride. Il avait 98 ans.

C’est la mère de Laurent de Brunhoff qui, pour endormir ses enfants, avait donné vie à cet éléphant poursuivi dans la jungle et qui se réfugia en ville. Son succès fut aux proportions du pachyderme : colossal. Avant 1939, les Brunhoff ont déjà vendu 4 millions d’exemplaires. En 1969, Babar débarque à la télévision et poursuit sa carrière en bandes dessinées, dans des DVD, des jeux ou des objets de décoration. Pour l’éléphant aux élégants habits verts, le succès ne s’est jamais tari.

L’éléphant passe un mauvais quart d’heure

Au point d’attirer les foudres du wokisme, de la gauche et des mouvements anticolonisalistes, hermétiques à toute poésie et tout esprit d’enfance. Il faut dire que Babar coche de bien mauvaises cases : il est roi, un roi débonnaire aimant la vie de famille, vêtu comme un milord dans son costume à nœud papillon, accompagné d’une gouvernante (la vieille dame), servi par les animaux de la jungle. C’en est trop. La gauche intellectuelle se saisit de l’éléphant, qui passe un mauvais quart d’heure.

Dans un article titré « Représentations du colonialisme français dans l’histoire de Babar le petit éléphant », Nathan Englehart, de l’Oberlin College and Conservatory, reconnaît que le livre est « magnifiquement illustré et charmant », mais… « un examen plus attentif révèle que Babar le petit éléphant a sans aucun doute été écrit comme une approbation du colonialisme français – un message qui échappe probablement à l’enfant d’âge préscolaire moyen ». Horreur et malédiction, voilà le gentil éléphant brutalement rangé parmi les méchants !

À ce sujet — Tintin : Woke en stock !

Sur ce thème, l’animal subit un véritable passage à tabac et ses auteurs Jean et Laurent de Brunhoff avec lui. « Avant la Première Guerre mondiale, les assimilationnistes (les partisans de l’assimilation des populations colonisées) croyaient à la mission civilisatrice de la France », explique Nathan Englehart. Insupportable ! Babar rencontre notamment la vieille dame, qui lui prête son sac à main pour qu’il puisse s’acheter un costume. « Comme les colonialistes français, elle fait tout son possible pour aider Babar à devenir plus « civilisé » ou, en d’autres termes, plus français », s’étrangle l’universitaire anglais. Pour cette gauche intellectuelle qui repense Blanche-Neige, attaque la Belle au bois dormant, cherche des sens cachés effroyables derrière chaque récit ancien, Babar fait le mal sous un air bonhomme.

Brûler Babar ?

En 1995, le pédagogue américain Herbert Kohl franchit un pas supplémentaire et propose carrément de… « brûler Babar », une œuvre « sexiste »« antidémocratique », bref, « un chef-d’œuvre de propagande ». La vieille dame vous semblait charmante et hors du temps ? « La vieille dame a de l’argent, beaucoup d’argent », écrit très sérieusement Herbert Kohl. Mais « l’origine de sa fortune n’est pas claire »… Complotisme, quand tu nous tiens. Et le droit des femmes malmené par le pachyderme, vous y avez pensé ? Non ? Monsieur Kohl, lui, y songe. « Car si Babar et Céleste convolent en justes noces, rien n’indique que Céleste ait eu son mot à dire dans cette affaire ! »

« Faut-il brûler Babar ? » La même question est posée très sérieusement par… Gilles Boëtsch, anthropologue cité par France Culturedans Courrier international en 2005.

« Il faudrait peut-être dire aussi que ces livres pour enfants ne sont peut-être plus forcément pour enfants aujourd’hui », précise Gilles Boëtsch.

Pour France Culture, qui a consacré une longue étude au petit personnage, « dans le livre Babar en voyage, un passage est explicitement raciste. Lors de cette première apparition d’Africains, ils sont dépeints comme « des vilains cannibales sauvages » ». Ce passage est supprimé au fil des rééditions. Ouf ! Comme pour Tintin, France Culture l’affirme : « Ce sont les premiers numéros de Babar qui posent problème. Jean de Brunhoff ne fait pas l’éloge du colonialisme et du racisme, mais il reproduit les codes de la société dans laquelle il vit au début des années 1930. » Prochaine étape, Babar, ennemi de l’humanité. À l’Index, Babar !

Marc Baudriller

Source : BOULEVARD VOLTAIRE – Wokisme : le père de vingt albums Babar ne verra pas la fin du procès du roi des Éléphants

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